Par Stéphanie Hussennois
Pour mieux la dépasser, la réduire, rencontrer, venir plus près, il a appris à s’approcher. S’approcher, c’est prendre un risque de « froisser » la vérité des personnes et des choses par sa seule présence, par l’ingérence de l’œil photographique, le risque d’écraser l’instant, de « céder aux apparences ».Depuis plusieurs années, après une formation cinématographique et au côté de reportages et d‘ouvrages dans le domaine des arts décoratifs et chez les Tsiganes de Roumanie, Antoine Schneck a choisi de se consacrer à « l’image objective ».
Jamais « volée », cette image photographique n’est pas saisie au bond, à l’insu de l’autre ou au hasard de l’objet et des lieux. Elle est au contraire donnée, par une présence objective, dans un échange consenti. Antoine Schneck met en place une situation de rencontre, isole l’objet, pose son regard sur un site, pour une simple contemplation, sans prise de pouvoir. Le regard, le poids du corps, de la matière, le rapport à l’autre, conduisent généralement le modèle à construire le visage qu’il offre. Face à l’objet, face à l’espace, c’est au contraire le photographe qui « affecte » ce rapport et qui tente de « dramatiser » l’image, de lui donner un sens. Expressions, attitudes, décors, points de vue, vêtements, contexte, lumière, cadrage, … : autant d’obstacles à la stricte réalité.
Antoine Schneck use de la photographie comme d’un outil, la possibilité d’un transfert le plus soigneux possible, pour transcrire au plus près la vérité des hommes et des choses.
Tout près du sujet, à travers une lumière neutre ou strictement « naturelle », sans mise en scène, Antoine Schneck attend que les défenses tombent, que la matière surgisse, que la vraisemblance affleure, après la pose ou l’impatience. Alors, sans la charge de l’histoire personnelle, sans l’ingérence du photographe, l’image est une révélation.
Comme les visages et les corps, les objets et les lieux ne se laissent pas facilement saisir et regarder. Pour transcrire leur vérité, Antoine Schneck s’applique, à travers plusieurs images successives et leur montage numérique à traiter toute leur surface avec la même attention, en effleurant la matière, en lui restituant sa présence tactile. Photographie après photographie, il recrée leur « anatomie » très précise afin que l’œil, une fois l’image recomposée, puisse enfin les embrasser et les comprendre.
La lecture de l’autre, de l’objet de l’espace est enfin possible. Nue, intérieure, silencieuse, véridique, leur nature se laisse contempler indéfiniment, dans toute son immanence.