Par Hervé Le Goff
Il y a dans les photographies d'Antoine Schneck une dimension qui interroge, un questionnement qui peut être aussi fort que celui qui touchait les premiers spectateurs du daguerréotype : ce qu'on y voit semble si présent qu'on oublie l'écran que l'image place devant ce qu'elle entend représenter. L'abstraction du fond dans une nuit plus noire que l'encre, la transparence immatérielle du support diasec ne suffisent pas à donner la clef de l'énigme. Car Schneck, l'artiste est aussi un théoricien de la perspective, découverte au cours de ses études en architecture et en cinéma, maîtrisée par une technique résolument personnelle, multipliant les points de fuite pour n'en conserver aucun et rendre à l'œil sa liberté de lecture.Dans ses derniers travaux, deux séries et une image unique, Antoine Schneck développe son approche singulière des êtres et des figures, toujours restituées dans cette présence que l'ordinateur a réussi à libérer du point de vue photographique.
Ses photographies des gisants, exposées en 2011 à la basilique de Saint-Denis aux côtés de leurs royaux modèles, semblent transmettre cette idée de l'éternité que le sculpteur avait inscrite dans le marbre.
Bien plus loin au Burkina Faso, ses marchands de volailles, soustraits à l'éclat solaire du marché, ne posent pas avec moins de noblesse dans leurs étoffes chamarrées, leur commerce à la main.
Entre le vivant et l'inerte, le scaphandre de 1882, gaîment nommé Carmagnole du nom de ses créateurs, les Frères Carmagnole, dresse sa stature énigmatique et baroque, offrant au photographe de quoi satisfaire son appétit de formes et de matières, de quoi combler le désir de démystifier ce pouvoir de vérité communément reconnu à la photographie : si elle ne danse pas, sa Carmagnole s'évade du cliché documentaire pour reprendre ses aises et son espace.